(English version at the end)
Depuis plusieurs années, Wiebke me parle de ses souvenirs d’enfance vécus en Australie.
A cette époque, durant un mois, avec ses parents et son frère Björn, ils partaient en famille lors des vacances scolaires d’été. Ils allaient rejoindre sa tante Chris, son oncle Matthias et son cousin Sebastian, expatriés à l’autre bout de la planète.
Au grès d’anecdotes et de photos de son enfance, elle m’a transmis son affection pour ce lieu et pour ses proches. Les traversées du bush en 4x4, les heures entières à rouler sans croiser personne sur la route, les barbecues le soir sous un grand ciel étoilé, les nuits dans le camping-car ou sous la tente, les perroquets et les oiseaux qui chantent sans cesse, les wallabies craintifs mais curieux, les espaces immenses, la beauté de la lumière, cette indescriptible sensation de liberté.
Avec les années, la fréquence des voyages en Australie a diminué, et dix ans sont passés sans pouvoir y retourner. Plusieurs fois, Wiebke m’a dit : « J’aimerais tellement te faire découvrir ces paysages, que tu rencontres ma famille là-bas, je conserve tellement de beaux souvenirs… ».
Le temps a passé, puis un événement nous a fait prendre conscience que nous devions faire ce voyage au plus vite. C’est donc au mois de septembre 2019 que nous sommes partis tous les deux pour un mois de (re)découverte de ce grand continent austral.
Au début du séjour, nous avons partagé quelques jours avec Chris, Sebastien et Donna à Adelaïde, puis loué un (mini) camper van à Alice Springs, afin de découvrir pendant dix jours les territoires du nord. Je savais que les températures allaient être fraiches, mais je n’avais pas prévu que pour notre première nuit, le thermomètre allait descendre à -1 degré ! Nous étions encore en plein jet lag, et difficile pour moi de me sentir à l’aise dans le van malgré la fatigue. Après une première tentative de couchage sous le toit, au-dessus du poste de conduite, avec 20cm d’espace entre la tête et la tôle, j’ai compris qu’il allait m’être impossible de dormir dans cette position, avec ce sentiment invisible d’oppression. Non, je ne suis pas fait pour la spéléologie et désormais je peux le dire : pas non plus pour dormir dans le double toit d’un camping-car!
Nous avons alors décidé de déplacer nos affaires et ouvrir le lit qui se situe à l’arrière du van, sous la table basculante. Réorganiser l’espace dans un mini van, c’est un peu comme jouer à TETRIS. J’y ai beaucoup joué lorsque j’étais adolescent, et j’aime assez l’idée de ranger des objets dans un petit espace (il faut faire preuve de créativité), mais à minuit, lorsqu’on a juste envie de dormir, j’avoue être moins créatif… !
Une fois le (nouveau) couchage enfin prêt, c’est avec un certain soulagement que nous nous souhaitons « Bonne nuit » en éteignant la lampe frontale qui nous sert de lampe de chevet. Après un court moment, soit environ 15mn passées à me tortiller sur moi-même, je réalise que l’élément qui nous sert de sommier est en train de me rentrer dans les os du bassin. Décidément, cette nuit s’annonce compliquée. Je décide donc de partager mon ressenti avec Wiebke.
« Tu dors ? »
- Quoi… ?
« J’ai le sommier qui me rentre dans le bassin, je vais pas pouvoir dormir comme ça… »
- Ah bon
« Tu le sens pas ? »
- Non..
« ça t’embête si on descend le matelas qui est en haut pour ajouter cette épaisseur sous la nôtre.. ? »
Descendre le matelas qui se trouve sous le toit à l’avant du van, signifie enlever toutes nos affaires qui sont entreposées dessus, pour les remettre ensuite au même endroit. C’est un peu comme gagner une partie supplémentaire à TETRIS : « Same player play again ! ».
Le lendemain matin, après une nuit de repos bien mérité, nous avons pris la route en direction du nord. La conduite en Australie est assez simple : la boite de vitesse est automatique, la route tracée à la règle. On se cale sur la limite de vitesse autorisée, on allume le poste et on laisse filer les kilomètres. Bon, évidemment, on roule à gauche sur la route, ce qui demande un petit temps d’adaptation, mais dans ces zones désertiques, même s’il vous arrive d’avoir un mauvais réflexe, il est peu probable de se retrouver nez à nez avec un autre véhicule !
Je m’attendais à voir des kangourous partout dans le bush, et les premiers que j’ai rencontrés étaient plutôt « plats ». Malheureusement pour eux, ils sont régulièrement victimes des camions ou des voitures qui traversent leur territoire. Il semblerait qu’il existe d’ailleurs un « Guide des animaux écrasés » pour pouvoir les reconnaître sur la route. Pas sûr que ce soit une bonne idée de cadeau.
A environ 400km d’Alice Springs, nous avons fait une halte sur la réserve de Devils marbles (les boules du diable), une zone désertique sur laquelle on peut observer une grande concentration de rochers de granits en équilibre. Cette réserve est un lieu sacré pour les aborigènes, qui lui vouent un culte religieux et spirituel. A la tombée du jour, la roche prend des tonalités rouge orangées qui donnent au lieu une atmosphère propice à la contemplation. Puis la nuit s’invite à son tour, dans cette vaste étendu dépeuplée. Le ciel se transforme alors en un immense champ d’étoiles, laissant apparaître le spectacle grandiose de la voie lactée.
Durant cette traversée qui durera dix jours, et nous amènera jusqu’à Darwin, nous parcourrons plus de 2000km. Sur la route, nous aurons la chance de pouvoir observer dans le « Kakadu national park » des peintures aborigènes séculaires peintes sur la roche. Nous assisterons également à plusieurs feux de brousse, mais sans nous imaginer que quelques mois plus tard, le pays deviendra un véritable brasier.
A Darwin comme dans plusieurs grandes villes du pays, nous découvrons des fresques murales colorées sur les grands immeubles, qui nous rappellent que ces villes de consumérisme ont été construites sur des terres arrachées à leur peuple, laissés depuis trop longtemps sur le bord de la route. Les aborigènes ne sont toujours pas intégrés à la société et on se demande combien de temps encore cette situation va durer.
Nous en profitons pour visiter le musée des Arts des territoires du Nord. C’est un festival de couleurs, de détails, de matières qui révèlent toute la beauté de l’art aborigène. Un art traditionnel qui pourrait être présenté dans des galeries d’art moderne, tellement les œuvres semblent traverser le temps.
Après l’agitation de la ville, direction Cairns, et plus précisément la petite ville de Mossman, à 60km plus au nord. Ici, les agriculteurs cultivent la canne à sucre, les température sont douces, la grande barrière de corail est toute proche. La ville est à taille humaine, la jungle s’étend à perte de vue derrière la côte. Il règne une ambiance de détente, les gens sont relax. Il fait beau toute l’année et tout serait idyllique si les crocodiles ne rodaient pas dans l’eau… Du coup, interdiction de se baigner au bord de la plage. Les promenades sur le sable en fin de soirée font pourtant parti des activités des habitants, chacun promène son chien, en admirant le coucher de soleil, mais gare à la nuit qui arrive.. !
Mossman nous a permis de nous reposer et récupérer de notre traversée éprouvante en camper van. Nous avons séjourné chez un couple de locaux et nous sommes liés d’affection pour leur chien, Maddy, une adorable femelle pitbull! Je n’aurais jamais pensé dire cela un jour, mais oui, on peut tomber amoureux d’un pitbull.
Notre voyage s’est terminé par quelques jours à Sydney, qui nous ont permis de découvrir cette dynamique mégalopole qui s’étend sur plus de 12000 km2. Sydney possède une douceur de vivre à laquelle je ne m’attendais pas. Malgré ses 5 millions d’habitants, c’est une ville relativement verte où il fait bon vivre. Le métissage culturel est omniprésent et pratiquement toutes les cuisines du monde entier sont représentées.
Surf, voile, plage, shopping, musées, concerts, les activités ne manquent pas !
En « bons touristes » nous sommes allés plusieurs fois nous promener autours de l’opéra. En journée, à la tombée de la nuit, la nuit… difficile de quitter ce lieux magique.
Nous avons repris l’avion, des images plein la tête. Wiebke m’a confié avec une pointe de de nostalgie que le pays avait beaucoup changé depuis l’époque où elle était venue enfant. Nous n’avons pas retrouvé tous ses souvenirs d’enfance, mais j’ai pu un peu comprendre et ressentir ce dont elle me parlait souvent. Le vacarme des perroquets qui nichent le soir par centaines dans les arbres, les ibis qui viennent boire sous les arrosages automatiques, les assiettes de beans savourées le soir au coin du feu avec une tranche de pain de mie, le ciel étoilé dans le désert, la liberté…
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