Maurizio Cattelan
, Bidibidobidiboo, 1996
Photographie : Zeno Zotti
Courtesy Archives de Maurizio Cattelan
 
Grandeur nature, naines ou géantes, mais toujorus charismatiques, les poupées de résine sont des icônes omniprésentes sur la scène artistique.
Mises en scène dans le champ artistique, les représentations artistiques minutieuses de figures humaines et animales, transcendent les notions de beau et de laid. Contrairement aux poupées de cire du Musée Grévin, dont une annexe vient d’ouvrir en avril dernier à Montréal, elles sont inspirées, la plupart du temps, par des personnes anonymes. Lorsqu’elles représentent des « people », c’est plutôt pour critiquer l’idolâtrie, que pour l’encenser. En effet, les créatures de résine qui hantent l’imaginaire d’une série d’artistes aujourd’hui, ne répondent pas aux lois d’imitation de la nature, ni à celle de l’abstraction, ou de l’idéalisation des corps. Comme des mannequins, elles rejouent sur la scène artistique,  les récits politico-sociaux avec lesquels l’individu est en prise. C’est été, elles sont le médium de plusieurs grandes expositions.
 
Génie médiatique
La Fondation Beyeler présente un ensemble d’œuvres de Maurizio Cattelan. Suite à la grande rétrospective que le Musée Guggenheim lui a consacré en 2012, et où il avait fait ses adieux (provisoires), il revient. L’artiste italien, autodidacte, né à Padoue en 1960, est issu d’un milieu populaire. Il maîtrise en virtuose les codes de l’art contemporain, et ceux du marché de l’art. Toutefois, il ne produit pas ses objets à la chaine. Ses interventions, un mélange entre la performance, la sculpture et le commentaire social, comportent un facteur déstabilisant, et tiennent compte du contexte. Elles sont constituées de figures humaines, ou animales, grandeur nature réalisées selon la technicité inhérente aux mannequins de magasin, ou à celle des animaux naturalisés. En 1996, il avait réalisé Bidibidobidiboo, une pièce constituée d’un écureuil empaillé, venant de commettre un suicide, effondré sur la table en formica jaune de sa minuscule cuisine. Un revolver noir posé à proximité, complétait le tableau tragi-comique. Le contraste entre cet univers de dessin animé, et la cruauté d’un monde, où, même les  héros de l’enfance se suicident, produisait une forte charge émotionnelle. Certaines de ses œuvres sont toutefois à la limite du supportable. En 2004, sur la Place du 24 mai, à Milan, les reproductions hyper réelles de trois enfants pendus à un arbre, dans l’espace public, surprenait désagréablement le passant.  Ou encore, Him, installé en Pologne en 2001, qui reproduisait un enfant en cire, affublé de la figure d’Adolf Hitler, priant agenouillé. François Pinault, qui possédait la statue, aurait revendu cette représentation du mal absolu quatorze millions d’euros (Paris Match décembre 2012).
 
Avatars
Contrairement à Cattelan, qui ne réalise pas ses pièces lui-même, certains artistes spécialistes de la sculpture photoréaliste, entreprennent de longs procédés artisanaux. Jamie Salmon, un artiste britannique résidant à Vancouver, utilise pour réaliser ses modèles, le caoutchouc de silicone, des fibres de verre et de vrais cheveux d’humains. Il a travaillé dans l’industrie des effets spéciaux et fait partie du collectif « Avatar sculpture work ». Intéressé par les renversements d’échelle, il est convaincu que ses travaux, s’ils étaient grandeur nature seraient un peu trop près de la réalité et n’auraient pas la même force d’attraction. Tel qu’il les produit, ils induisent un malaise, et de ce fait, éveillent un désir. Ses figures géantes méritent d’être vue en vrai, plutôt qu’en photographies, pour sentir pleinement leur présence. 
 
Scènes de genre
Ron Mueck est né à Melbourne en Australie, en 1958. Autodidacte, ex-décorateur de vitrine, les mannequins de magasin ont trouvé pour lui d’autres finalités que celles de promouvoir des biens de consommation. Il reproduit des figures sans respecter l’échelle humaine, certaines d’après des éléments de sa vie. Par exemple, une représentation de sa propre tête, passablement ridée, agrandie et mesurant près d’un mètre.  Ou encore, celle miniature de son père, étendu sans vie, qui évoque, par son apparente rigidité cadavérique, Le Christ mort peint par Hans Holbein, en 1521. Pour réaliser ses sculptures, l’artiste poursuit un long processus artisanal, accomplit avec seulement deux assistantes, dans son atelier à Londres. Ses sources : des livres, parfois la rue où il repère des passants, des fragments de corps qui l’intéressent, qu’il assemble ensuite dans des croquis, puis sous la forme d’une maquette de quelques centimètres, en cire, ou en argile. La réalisation finale consiste à faire, à l’échelle définitive, la silhouette de l’oeuvre en argile, de reproduire minutieusement les rides, et la surface de l’épiderme. Celle-ci lui servant de moule où couler de la résine, ou de la plasticine. Finalement, l’artiste complète sa créature en sculptant les vêtements, les chaussures, ou encore en peignant les yeux, et les autres détails. Très perfectionniste, il pousse à son extrême les détails, y compris sur les parties cachées des corps.
 
Jumeaux monstrueux
Sam Jinks est né en 1973, à Melbourne lui aussi où il vit et travaille. Il a surtout présenté son travail en Australie, et récemment à Singapour. Avant de produire pour le champ artistique, il travaillait pour le cinéma et la télévision, réalisant des monstres. Ses figures sont, à l’instar de celle de Mueck, ou de Jalmie, saisissante de réalisme. Les cheveux, les poils, la structure de la peau, les pores, les petites imperfections, ou encore les veines apparentes, leur confèrent un aspect dérangeant.  Au Palais Bembo à Venise, un ensemble de ses pièces sont présentées. Certaines sont carrément morbides, alors que celle qui représente une femme âgée, tenant dans ses bras un nouveau né, semble fantomatique. La plus poétique : le couple d’Unsettled dogs (Les Chiens Instables), réalisé en 2012. Il s’agit de deux corps, un homme et une femme, d’environ soixante centimètres chacun, posés sur un socle blanc. Se faisant face, ils sont couchés dans une position de « chien de fusil », et dotés de têtes de renard. Evoquant des divinités égyptiennes, ou une opération de clonage qui aurait mal tourné, endormis l’un près de l’autres, ils dégagent dans leur sommeil (éternel), une tendresse fusionnelle et animale. Moins onirique, deux nouveaux nés, présentés eux aussi sur un socle blanc, perturbent. L’humain semble, ainsi exposé, réduit à une chose.
 
Josiane Guilloud-Cavat
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Maurizio Cattelan
Jusqu’au 6 octobre 2013
Fondation Beyeler, Bâle
http://www.fondationbeyeler.ch
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Sam Jinks
Personal Structures
Jusqu’au 24 novembre 2013
Palazzo Bembo
55e Biennale de Venise
palazzobembo.org
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Ron Mueck
Jusqu’au 27 octobre
Fondation Cartier pour l’art contemporain, Paris
http://fondation.cartier.com
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Jamie Salmon
http://www.plusonegallery.com
http://anthonybrunelli.com
http://avatarsculptureworks.com
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Maurizio Cattelan
Jusqu’au 6 octobre 2013
Fondation Beyeler, Bâle
http://www.fondationbeyeler.ch
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Sam Jinks
Personal Structures
Jusqu’au 24 novembre 2013
Palazzo Bembo
55e Biennale de Venise
palazzobembo.org
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Ron Mueck
Jusqu’au 27 octobre
Fondation Cartier pour l’art contemporain, Paris
http://fondation.cartier.com
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Jamie Salmon
http://www.plusonegallery.com
http://anthonybrunelli.com
http://avatarsculptureworks.com
 
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Maurizio Cattelan
Jusqu’au 6 octobre 2013
Fondation Beyeler, Bâle
http://www.fondationbeyeler.ch
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Sam Jinks
Personal Structures
Jusqu’au 24 novembre 2013
Palazzo Bembo
55e Biennale de Venise
palazzobembo.org
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Ron Mueck
Jusqu’au 27 octobre
Fondation Cartier pour l’art contemporain, Paris
http://fondation.cartier.com
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Jamie Salmon
http://www.plusonegallery.com
http://anthonybrunelli.com
http://avatarsculptureworks.com
 
Maurizio Cattelan
Betsy, 2002
Cire, pigment, cheveux humains, tissu, résine de polyester, réfrigérateur, 150 x 60 x 40 cm
Photo: Attilio Maranzano
Courtesy Maurizio Cattelan's Archive
Ron Mueck
Atelier de Ron Mueck, janvier 2013
Photographie © Gautier Deblonde
Sam Jinks, Unsettled Dogs, 2012,
Silicone, pigment, résine, cheveux et fourrure
64 x 62 x 23 cm, édition de 3 + 2AP
Courtesy the artist and Sullivan+Strumpf
Jamie Salmon, Sumo, 2009
295 x 122 x 200 cm
Silicone, pigment, fibre de verre, acrylique, cheveux
Galerie Clave, Espagne et Portugal
Ron Mueck
Atelier de Ron Mueck, janvier 2013
Photographie © Gautier Deblonde
Publié dans Espaces contemporains 
Juillet-Août 2013
Alter ego
Published:

Alter ego

Un article sur des sculptures contemporaines qui imitent (presque) parfaitement le réel. Josiane Guilloud-Cavat

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